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Retour sur le colloque « La ville s’en f(r)iche ? »

Le mardi 19 octobre 2021 a eu lieu à Bruxelles, au CIVA,  le colloque « La ville s’en f(r)iche ? » organisé conjointement par l’ARAU, Apis Bruoc Sella, Bruxelles Nature, le CIVA et Natagora. Cet évènement inédit dans la Région de Bruxelles Capitale, a été l’occasion pour les acteur·rices de la ville, urbanistes, décideur·euses politiques, naturalistes, paysagistes, etc., d’échanger autour des enjeux des friches urbaines. Et plus généralement, de la nature en ville. 

À la fin de l’ère industrielle et à l’avènement du phénomène de désindustrialisation, de nombreuses friches ont fleuri dans le tissu urbain. La définition d’une friche est complexe. Historiquement, elle renvoie à une terre mise au repos, abandonnée, un espace (dé)laissé. Elles peuvent aussi être considérées comme des espaces temporaires de libertés, ouvertes à des occupations spontanées.
Suivant l’acteur·trice que l’on incarne en milieu, la définition que l’on se fait de la friche mais aussi les usages et les fonctions qu’on y accole varient. 
Les friches sont aujourd’hui des espaces ouverts, où éclot une nature au cœur des villes, où le vivant à, au fil des années, prit possession des lieux en en faisant son habitat. Au regard des urbanistes et des décideur·ses politiques, une friche représente souvent un vide à combler, un foncier à bâtir dans une ville dense en demande de logements. Au vu des enjeux écologiques actuels, se pose dès lors la question de la place et du statut de ces espaces considérés comme « vides » dans la ville. 

Pour échanger autour des potentiels de ces espaces considérés tantôt comme vides, tantôt comme plein, le colloque a accueilli pour une matinée de conférences au CIVA cinq intervenant·es. L'après-midi des visites guidées des friches bruxelloises ont permis de confronter les échanges du matin à la réalité du terrain. 

Chloé Deligne, chercheuse et enseignante à l’ULB, coordinatrice du Laboratoire interdisciplinaire en études urbaines, et Benedikte Zitouni, sociologue à l’Université Saint-Louis-Bruxelles, directrice du CESIR depuis 2018, ont retracé l’évolution des friches bruxelloises et des luttes tant sociales qu’environnementales liées à ces espaces. Si les friches sont le résultat de dynamiques capitalistes et foncières, d’abandons ou de destructions, elles sont aujourd’hui des espaces qui nous permettent de repenser nos interdépendances au vivant, et d’expérimenter des devenirs alternatifs à la ville capitaliste.

Face à une biodiversité en déclin qui émerge notamment en réponse à l’artificialisation et la fragmentation des écosystèmes, les friches peuvent constituer de réelles solutions et rendre des services écosystémiques. Yves Hubert, architecte paysagiste et urbaniste, co-fondateur et administrateur de l’Atelier Caneva-s, nous a ainsi proposé différents exemples d’appropriations de ces espaces par le vivant (humain et non humain). La friche Josaphat à Bruxelles, mais aussi l’aéroport Tempelhof de Berlin , transformé en parc urbain et qui permet ainsi de fournir aux habitants du cœur de la métropole un espace vert et ouvert. 

Tempelhof a fait l’objet de concertation avec le voisinage. Pour Simon Blanckaert, paysagiste DPLG, auteur de projets, enseignant et chercheur à la faculté d’architecture et d’urbanisme de l’UMons, l’usager est au centre de la fabrique de ces nouveaux espaces urbains. Repenser la friche urbaine c’est prendre le temps, de tester, de faire émerger des usages nouveaux avec les citadins et plus largement avec les usagers (humains et non-humains). C’est aussi laisser une place à l’abandon, comme un temps du projet urbain, pour laisser des usages et des appropriations émerger. Il nous présente ainsi des collectifs désireux d’aller vers ces nouveaux usages des friches : les débranché·e·s, ou encore le réseau InterFriche qui propose des ateliers collectifs autour des espaces délaissés, entre autre à Charleroi dans le quartier de la Broucheterre . Ainsi, une des pistes pour la place de la friche urbaine serait non plus un aménagement, mais un ménagement de l’espace.

Pour Cécile Mattoug, architecte DE et géographe ainsi qu’enseignante en urbanisme à l’Institut d’Etudes européennes de l’Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, les usages et les ressources devraient diriger le projet, et non plus le projet urbain comme moyen d’influer des usages et de créer des ressources. C’est passer d’une approche top down, à une approche bottom-up, inverser le paradigme existant aujourd’hui. A travers l’exemple des Tartres dans la banlieue nord de Paris, Cécile Mattoug nous propose quatre pistes à adapter au cas par cas. La première serait de réserver et de renoncer à aménager les friches. La seconde de les préserver temporairement. La troisième de ménager ces espaces, grâce aux lisières, aux abords. Enfin, d’en faire des espaces partagés, de laisser faire et d’accompagner des volontés citadines correspondantes aux besoins et aux vécus des habitants. 

Les friches urbaines  sont un réel potentiel pour les centres urbains. Elles constituent non seulement des réservoirs de biodiversité, indispensables à la bonne santé du maillage écologique, mais aussi de potentiels espaces paysagers conçus de telle manière à répondre aux attentes et aux besoins des citadins. Ils contribuent à l’épanouissement d’imaginaires, pouvant représenter de véritables poumons de la ville tant au service de la viabilité de l’urbanité que de la biodiversité. Aborder les friches dans les villes c’est travailler à des équilibres entre vide et plein, entre urbanité et nature, bâti et végétal. C’est se demander comment entretenir, domestiquer, ou faire évoluer des espaces spontanés vers les besoins de la ville et les aspirations de ses habitant·es (humains et non humains), dans un contexte où la crise climatique ne nous permet plus de faire l’impasse sur l’étude du milieu formé par les friches urbaines.  
Enthousiasme et partage étaient au rendez-vous ce 19 octobre, ce qui encourage et donne espoir pour l’avenir de nos villes, où urbanisme et écologie ne peuvent plus agir indépendamment l’un de l’autre.

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