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Marche des vides à Charleroi : questionner le vide de logement et de nature en ville

Dernière mise à jour :

Les marches du vide sont des promenades guidées pour sensibiliser à la question du droit au logement et à la lutte contre l’inoccupation des espaces vides. A l’image des promenades naturalistes, les groupes suivent un parcours avec différents arrêts pour sensibiliser les participants. 

 

Le 13 septembre 2025, Solidarités Nouvelles, le DAL de Charleroi, le Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat et Natagora ont créé une marche des vides (au pluriel) à Charleroi. L’objectif ? Allier les droits sociaux et les droits environnementaux, afin de dénoncer les logements vides, le vide de nature en ville, ainsi que le vide de sens que ces situations génèrent. Plutôt que de bétonner les dernières friches, les partenaires préfèrent par exemple lutter contre l’inoccupation. 

26 personnes ont participé à la marche. Lors de plusieurs arrêts, les volontaires de Solidarités Nouvelles/ du DAL Charleroi ont partagé leurs expériences au groupe, afin de déconstruire les préjugés qui existent par rapport au squat. Cela a suscité de précieux partages, comme le témoignage de Willy que vous pourrez lire plus bas.

Le Rassemblement Wallon pour le Droit à l'Habitat (RWDH) a informé les gens au niveau juridique. Cela s’est fait entre-autre à travers des débats mouvants et des discussions interactives. Ces informations ont permis de mieux décoder les décisions politiques.

Natagora a expliqué en quoi la nature en ville était un réel besoin vital, elle a dénoncé les inégalités sociales concernant la nature en ville et elle a outillé les participants pour verdir davantage les espaces urbains. 

Pour terminer la journée en musique, le DAL de Tournai a partagé des chansons militantes sur la question de l’inoccupation que les participants ont chanté en chœur.

Si vous souhaitez créer une marche du vide, le Centre Culturel du Brabant Wallon a mis une carte à disposition qui facilite l’organisation.

Une nouvelle marche des vides aura lieu à Charleroi le 24 novembre prochain. Rendez-vous sur cette page pour plus d’informations !

Témoignage de Willy, participant de la marche

J’ai vécu dans la rue. J’ai dormi dans deux garages, puis dans un passage abrité de la pluie mais pas du vent, et encore moins en sécurité. J’étais toujours dans la crainte : peur qu’on me vole mes vêtements qui étaient dans une valise, peur aussi qu’on me vole mon téléphone. Pour ne plus avoir froid sur le béton d’un garage, je posais un carton en dessous de moi, mais je n’avais pas de couverture, juste une veste sur le dos.

J’ai dormi dans un squat, sous une tente, sur des couvertures. Notre squat a toujours été propre : on ramassait tous nos déchets, on mettait nos sacs poubelles dans la rue, et la commune venait les chercher chaque semaine. Mais le plus difficile, c’est de souffrir en silence, emprisonné par le chagrin et la déception : après avoir travaillé des années, tout perdre du jour au lendemain à cause d’un accident de travail. La vie ne m’a pas fait de cadeau : après ma séparation, j’ai tout perdu et je me suis retrouvé comme un prisonnier de la rue, à Charleroi, dormant dans le seul abri de nuit, enfin dans un lit au chaud. Je dois dire merci à toutes les structures qui nous ont ouvert les portes pour prendre une douche, boire un café, avoir à manger, et surtout dormir dans un vrai lit.

Mais la pensée de quitter ce monde, de mettre fin à la souffrance, à la fatigue du corps qui fait mal après des journées entières à marcher, ça m’a traversé l’esprit. Il y a le « Rebond », qui ouvre ses portes toute l’année pour offrir un repas, une boisson chaude et la possibilité de prendre une douche et de changer de vêtements chaque jour. Cela nous redonne un peu de dignité, sinon notre mémoire ne retient que trop chagrin et humiliation.

Ce qui fait mal aussi, c’est tout ce jugement, ces critiques, cette souffrance qui nous imprègne le cœur et la tête, jusqu’à étouffer toute envie de croire aux autres. Quand on vit dans un squat, il faut penser à sa sécurité pour pouvoir mieux dormir : bien fermer les portes pour éviter les vols, mais on ne dort jamais profondément parce qu’on n’est jamais tranquille dans sa tête. C’est un chagrin et une déception sans fin : on se sent bafoué dans nos droits, étouffé par l’angoisse.

La police, parfois, a insulté, frappé, menacé. Un jour, ils nous ont même pointés avec leurs armes dans un bâtiment, me demandant de jeter mon téléphone par terre... À ce moment-là, la seule chose qui me traversait l’esprit, c’était la peur de disparaître à jamais. Après leur départ, il ne reste que la douleur, un deuil silencieux qui accompagne chaque pas, et on pleure en marchant pour chercher de quoi manger le soir. Chaque jour, avancer dans ce monde hostile est très dur. De mauvaises pensées remontent, surtout quand on se sent rejeté, insulté et bafoué par l’humanité.

Certains membres de ma famille m’ont hébergé, d’autres personnes aussi, mais je suis retourné dans la rue, parce que je voulais d’abord aider mes amis de la rue à trouver un logement, écouter leur douleur, avant de m’occuper de moi. Je portais aussi avec eux le poids du deuil : certains ont disparu, emportant avec eux nos souvenirs et nos espoirs. Depuis plus d’un an, je suis dans mon logement. Je peux enfin dormir dans un vrai lit chaque jour et me reposer l’après-midi. C’est cela aussi qui manque tant aux personnes sans abri : pouvoir souffler, se reposer en journée ; si tu te poses sur un banc, la police te chasse...

Même aujourd’hui, dans mon logement, mon cœur reste plein de chagrin à penser à ceux qui dorment encore dehors, dans une tente, sur un terrain, ou qui cherchent un bâtiment vide pour essayer de dormir en paix et en sécurité. Parce qu’en tente, sur un terrain, tu n’es pas en sécurité. Et comme tu ne vis pas comme tout le monde, tu es jugé, critiqué, insulté, tu te sens étouffé, et ta dignité est régulièrement bafouée. C’est difficile de faire confiance à quelqu’un, tant la fatigue est grande : la même bataille chaque jour – marcher pour manger, se laver, boire un café, un chocolat chaud.

C’est douloureux de voir ses amis mourir dans la rue, de faire le deuil de ceux que la société préfère ignorer. Pour la société, nous sommes les « invisibles », les « morts-vivants ». Mais laisser des gens dormir dehors, c’est un massacre silencieux, laisser mourir des personnes dans la rue en est un autre. Pourtant, on préfère acheter des avions, des armes, toutes sortes de choses, plutôt que d’aider les gens à trouver un logement et à sortir de la rue. Par peur ou par mépris, on chasse aussi les SDF ou les sans-papiers de la ville, mais on oublie qu’ils sont aussi humains, pas des déchets de la société.

Au fil du temps, la dignité disparaît, emportée dans le chagrin et la déception. Il y a de plus en plus de préjugés, de critiques, de jugements, d’insultes. Parfois, on a l’impression que la société préfère sacrifier des enfants, des familles, préfère voir mourir des gens de faim plutôt que d’aider ceux qui en ont vraiment besoin, ou de chercher des solutions pour instaurer la paix, au lieu d’entretenir la guerre. On se dirige plus sûrement vers une troisième guerre mondiale, au lieu de chercher la paix et de soulager la misère. On se sent prisonnier de cet engrenage, et la mémoire de tous ces êtres bafoués, disparus, reste un deuil douloureux.

Telles sont mes réflexions sur la vie dans la rue, sur ce chagrin qui ne s’efface pas, et sur notre société qui laisse disparaître la dignité humaine. 

 

Cordialement à vous 

Mr Bouqueau Willy

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