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Projet SPECXCRAFT : Un voyage inattendu

Auteure : Hélène Gassmann

Dernière mise à jour :

En mai et juin dernier, une douzaine de personnes engagées dans la lutte pour le vivant à Bruxelles ont été invitées à participer à une série de 3 ateliers, un peu hors du temps et de leurs habitudes. En compagnie de trois animateur·ices, ces volontaires et employé·es de Natagora commencèrent un périple dans de nouvelles contrées futures. Laissez-moi vous raconter le début de ce petit voyage…

Lors du 1er atelier, on les invita à partager, autour d’une table, leurs différentes pratiques actuelles menées pour protéger ou défendre le vivant en ville. A l’aide d’objets et de scribes assidues, toutes ces pratiques furent notées sur de grandes feuilles, et on y ajouta les nombreux obstacles rencontrés sur leurs chemins militants, mais aussi les ressources qu’iels connaissaient pour contourner ou vivre avec ces difficultés. On leur demanda de choisir les éléments qui leur parlaient le plus, ou qui semblaient communs à plusieurs personnes, et de formuler un vœu pour le futur. Tout cela fût déposé dans une valise un peu particulière.

La 2e rencontre eu lieu au marais Wiels, un lieu proche du centre-ville, à la croisée entre nature sauvage et enjeux urbains. Les difficultés et ressources partagées plus tôt servirent de point de départ. La fameuse valise leur proposa des textes oniriques, spéculatifs et inspirants pour alimenter leurs imaginaires. Sur cette base, ils purent formuler des bribes de futurs pour Bruxelles. Equipé·es de ces boussoles, les participant·es entreprirent une exploration du lieu, à la recherche d’indices de ces futurs possibles, puis les partagèrent en petits groupes pour en faire des ébauches d’histoires futures. Ces histoires parlaient, entre autres, de révolution, de catastrophes naturelles et de coopération avec les non-humains.

Pour le 3e atelier, on les convia à se retrouver en plein cœur du jardin Jean Massart, un jardin botanique en lisière de forêt de Soignes. La valise, décidément un peu magique, avait « digéré » leurs histoires et en avait fait une ébauche d’un monde futur, qui leur restait à explorer. Dans cette Bruxelles de 2038, dévastée par les catastrophes naturelles et les excès humains, une mutation du mycélium venait d’avoir lieu. Il était désormais possible de communiquer entre humains et non-humains. A l’aide d’une méditation guidée dans ce monde futur, de fiches personnages à remplir, et d’une multitude de matériaux pour dessiner, modeler, assembler, tisser, couper, coller, ces défenseurs du vivant se plongèrent dans cet univers pour en fabriquer les contours, les habitant·es, les lieux et les ambitions.

Tout cela aboutit à douze personnages riches en facettes, aux facultés et attributs parfois très humains, parfois extraordinaires. Certain·es fabriquèrent un dispositif pour améliorer la communication inter-espèces, afin d’écrire la déclaration interspécifique des Bruxelles libérées. Un autre groupe proposa des bains mitochondriens trans-spécifiques, permettant de se reposer tout en entrant en empathie profonde avec les autres êtres. Un autre encore proposa une carte de ce monde, montrant un grand enchevêtrement entre humains et non-humains, et proposant un ménagement du territoire où la nature a toute sa place. Pour conclure la rencontre, on leur proposa de fabriquer un coussin de rêves, une petite pochette en tissus à placer sous l’oreiller. Iels la remplirent d’herbes médicinales de leur choix, ainsi que de leur vœu pour le futur, afin de permettre à cette expérience de continuer à vivre dans leurs rêves à venir.

Mais alors, qu’est-ce que cela a à voir avec Natagora ?

Chez Natagora, vous le savez sûrement, on aime faire de la recherche académique. Mais ici, pas de comptages, pas de transects ou de points d’écoutes, c’est une forme toute différente de recherche que l’on a voulu explorer dans le cadre du projet SpecXcraft.

Specxcraft, pour Speculative crafting for un/common futures, est un projet de recherche bruxellois financé par Innoviris, mené par un collectif de chercheurs en sciences sociales et trois associations, Constant (qui explore les enjeux technologiques avec un prisme artistique et féministe), Centre Vidéo de Bruxelles (qui porte des questions sociales et urbaines via des productions vidéo collectives) et Natagora. C’est une exploration de méthodes spéculatives et créatives pour inviter certains milieux militants à imaginer collectivement des futurs plus enviables pour Bruxelles, en accord avec les valeurs qu’ils portent, et voir ensuite comment cela peut les aider dans leurs pratiques de lutte.

En mai et juin 2023, ce sont donc trois trajectoires d’ateliers qui se sont tenues en parallèle avec des groupes proches de chacune des associations, avec des méthodologies similaires mais adaptées à chaque milieu. Ces trois groupes vont ensuite se rencontrer pour sonder les points communs et les points de tensions entre les différents imaginaires. L’idée est d’offrir des espaces de rencontre entre les différents idéaux qui habitent ces groupes aux intérêts spécifiques, pour penser la ville de demain de manière collective et transversale.

Du côté de Natagora, quels sont les apports du projet ?

Il est un peu tôt pour tirer des conclusions, mais voici quelques retours et pistes exprimés jusque-là par les participant·es suite à la première série d’ateliers.

Cela leur a offert en premier lieu un espace pour exprimer leurs expériences d’un quotidien militant, leurs ressentis, leurs réflexions, dans un cadre qui se veut sécurisant pour toutes les sensibilités.

Pour certain·es, c’était un moment hors du temps, pour prendre le temps de réfléchir au futur, au-delà des deadlines à court-terme et des enjeux des mois à venir. Pour se rendre compte que penser le futur, celui dans 20, 30, 50 ans, est une chose difficile mais qui peut s’exercer, comme un muscle à travailler.

L’approche sensible a aidé des personnes à sortir de leurs habitudes de travail scientifique rationnel, de pensée stratégique et terre à terre, et les a invitées à parler des émotions qui sont à la base de leur engagement. Plusieurs en gardent des souvenirs, des perceptions un peu changées des lieux qu’iels ont visité de manière décalée. D’autres encore y ont vu des aperçus de choses pouvant être appliquées dans le présent, d’idées à défendre ensemble.

C’était enfin une expérience collective, des rencontres, des partages de connaissances entre personnes passionnées.

L’ouverture à d’autres milieux militants pourrait apporter une vraie richesse dans la compréhension des enjeux à affronter pour construire la ville de demain.

Et la suite ?

Un atelier est prévu cet automne du côté de Natagora, avec les mêmes personnes, afin de sonder comment ce voyage, riche en histoires farfelues et fantasques, parle de leur vécu actuel, de leurs valeurs et ambition, et comment cette épopée pourrait alimenter leurs luttes dans le présent.

Dans les prochains mois, nous souhaitons faire se croiser les trois groupes et les imaginaires qu’ils ont créés, pour explorer la dimension diplomatique du projet.

A plus long terme, le projet pourrait prendre différentes trajectoires à compter de mars 2024. La première serait liée au renouvellement du financement par Innoviris, qui permettra de pousser plus loin les recherches telles qu’elles ont commencées, de répéter l’expérience avec d’autres groupes, d’aller plus loin avec les participant·es de cette année. Une autre serait de transformer le projet, d’en adapter certaines parties à plus petite échelle, en fonction des besoins de chaque organisation et sa communauté. Suite au prochain épisode…

Si le projet vous intéresse ou si vous avez des questions, n’hésitez pas à vous adresser à Hélène Gassmann : helene.gassmann@natagora.be.

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